Je n'arrive pas à imaginer ne plus donner le
Je n'arrive pas à imaginer ne plus donner le sein.
Voilà, c'est dit. Cet allaitement a été très compliqué au début, je me suis accrochée. J'en ai bavé, j'ai tant pleuré en regardant sa bouche chercher comment téter, se tordre, s'ouvrir pour laisser s'échapper la complainte du bébé qui a faim, puis celle du bébé qui a eu trop de lait d'un coup, puis celle du bébé qui ne digère pas bien. Mon bébé n'a été qu'un tube digestif perturbé, que j'avais peine à apaiser.
Et puis petit à petit, le reflux s'est calmé, il a moins pleuré. Sa technique mise au point, mon expérience aidant, ça a fini par rouler.
Nous voilà à trois mois et des poussières d'allaitement exclusif, et le lien est si fort que je n'arrive pas à me dire qu'il pourrait un jour se défaire.
Pourtant, parfois, j'en ai envie. Je suis dans cet entre-deux où je sais que bientôt il faudra retourner travailler, que ça risque d'être prenant, autant physiquement que mentalement. Je ne sais pas si j'aurai l'énergie de tirer mon lait, de continuer à allaiter tout court, même. Pourtant, j'aimerais bien...
Je sais que c'est possible, je l'ai fait pour Clotilde. Biberons à la crèche, sein avec moi. Mais c'est fatigant.
Je ne sais pas comment amorcer le tournant. Peut-être que, tout de même, cette fois-ci, l'allaitement sera moins long. Peut-être serai-je bien en paix avec l'idée que jamais petit Tigre ne me dira "merci de m'avoir allaité tout ce temps, maman". C'est un don qui n'appelle aucun retour, aucun remerciement. Un don que je suis prête à prolonger encore un peu, mais jusqu'à quand ? Je pense que ce qui m'ira, c'est de me fixer une date à partir de laquelle je laisserai se délier le lien, laisser mourir tout doucement, avec tout l'amour d'une maman, ce lien de lait qui me lie à mon petit, et tourner la page sereinement.